Les folies au XVIIIe siècle
Folie, du latin folia (feuille) désignait depuis le Moyen-Age une résidence de campagne entourée d’un jardin arboré. – ce que les italiens de la Renaissance appellent villa - : folie Méricourt, folie Regnault. Sous Louis XIII, la folie Rambouillet, rue de Charenton, était célèbre (cf. Châteaux et folies de l’est parisien).
A partir de la Régence, le terme désigne à la fois une demeure luxueuse et une « petite maison », où les gens fortunés, aristocrates ou non, recevaient leurs maîtresses et dans laquelle ils faisaient des « folies » (1). Vers la fin du siècle et, plus tard, de la Révolution à la Restauration, le terme désigne de vastes jardins présentant diverses attractions ouvertes au public, des Vauxhalls, terme et concept importés d’Angleterre.
Ces résidences de campagne s’installent logiquement sur les bords de Seine, à Bercy, en amont (cf. Châteaux et folies de l’est parisien) et, en aval, sur les côteaux de Chaillot et de Passy (château de Passy), à Auteuil (château de Boufflers) et dans le bois de Boulogne (Bagatelle) ou à Montmartre (folie Montigny, folie Sandrin, château des Brouillards), mais aussi en plus proche banlieue. Le faubourg Saint-Antoine est particulièrement riche en folies, au milieu des jardins maraîchers et des couvents : folie Titon (rue de Montreuil), folie Genlis (rue de Chemin Vert), hôtel de Clermont puis de Montalembert (rue de la Roquette)…
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, alors que se construisent la chaussée d’Antin et le faubourg Saint-Honoré, les folies sont particulièrement nombreuses au faubourg Montmartre et au Roule.
Les folies du faubourg Montmartre
La Bouëxière
En 1806, la propriété est louée à un entrepreneur de spectacles qui y installe un parc d'attractions appelé troisième Tivoli car succédant à ceux de la Folie Boutin et la Folie Richelieu. Le pavillon La Bouëxière est démoli en 1840 et le terrain est loti (square Berlioz).
La folie Richelieu, construite en
1730 pour le maréchal duc de Richelieu, rue de Clichy, correspond mieux à la
dénomination de « petite maison ».
Son terrain s’étendait jusqu’à la rue Blanche ; transformée en
Tivoli en 1811 (le second), elle disparait en 1826.
Un peu plus haut dans la rue de Clichy, la folie Gramont, construite vers 1750, était la "petite maison" du duc de Gramont. Il en allait de même de l’hôtel de Watteville pour le duc éponyme (rue de la Rochefoucauld). Au titre des « petites maisons » on peut également mentionner la folie Brancas, ancien château Le Coq, rue Saint-Lazare, et les hôtels luxueux construits dans la Chaussée d’Antin pour, entre autres, Mlle Dervieux et Mlle Guimard (cf. la Chaussée d’Antin). | Les folies en 1790 ^ |
La folie Boursault, rue Blanche, est la maison de plaisance du comédien Boursault, membre de la Convention et fermier des Jeux de Paris, son jardin était très réputé,
Les jardins Ruggieri, rue Saint-Lazare, est, de 1776 à 1819, un jardin public, avec bals, cafés, pantomimes et feux d’artifices.
La folie de Chartres. Un vaste terrain situé
dans le village de Monceau est acquis en 1769 par le duc de Chartres, Louis-Philippe
d’Orléans. Il est d’abord aménagé en jardin régulier, puis, avant d’être amputé
en partie par la construction du mur des fermiers généraux, est transformé à
partir de 1778 par Carmontelle, peintre, écrivain et paysagiste, en « pays
d’illusions ». Temples grecs, pagode chinoise, tente tartare, kiosques,
moulins, obélisque, pyramide, fausses ruines agrémentent un parc à l’anglaise ou
serpente une rivière entre les bois et les vignes. Voir la Folie de Chartres. | Carmontelle Le parc Monceau ^ |
En 1781, le paysagiste écossais Thomas Blaikie met un peu d’ordre dans l’ensemble. Bien national à la Révolution, le jardin est restitué à la famille d’Orléans puis racheté par l’Etat en 1852 et en partie loti, le dessin du parc Monceau est alors modifié par Alphand.
Les folies du faubourg Saint-Honoré
Le Colisée. Construit par l’architecte Le Camus sur un terrain situé entre le rond-point des Champs-Elysées et l'avenue Matignon par une compagnie dans laquelle Choiseul était intéressé à travers un prête-nom, Le Colisée veut être le Vauxhall le plus grand et le plus luxueux de Paris. Un parvis à colonnade ouvert sur le rond-point donne accès à une rotonde centrale qui sert de salle de bal. Elle est entourée de deux galeries de circulation concentriques qui desservent boutiques, cafés et restaurant donnant sur les jardins. Au fond, dans l'axe du parvis et de la rotonde, un bassin sert de cadre aux feux d'artifice et aux naumachies.
< Plan Jaillot 1775 La fête chinoise au Colisée vers 1775 (Gabriel de Saint-Aubin Musée du Louvre) > |
Avenue des Champs-Elysées, la Folie Marbeuf succède à la folie Janssen qui existe depuis 1760. A partir de 1780 la marquise de Marbeuf y aménage un jardin paysager planté d’espèces rares et d’arbres exotiques qui seront transplantés au Muséum après la mort sur l’échafaud de la marquise. En 1797, la Folie Marbeuf devient le Bal d'Idalie où l'on donne des fêtes d'été, avec bals, illuminations, feux d'artifice dirigés par les frères Ruggieri. Le domaine est loti après 1820.
^ Folie Beaujon, le pavillon | ^ le moulin Musée Carnavalet | Folie Beaujon, les Montagnes russes ^ |
La folie Beaujon. De 1781 à 1784,
le financier Nicolas Beaujon achète un ensemble de terrains du faubourg
Saint-Honoré au Champs-Elysées (12ha au total). Coté faubourg il fait construire
un luxueux pavillon, la chartreuse, et une chapelle. Après la mort de Beaujon
en 1786, le jardin du domaine, vers les Champs-Elysées devient un parc d’attraction, le Jardin Beaujon, dirigé par l’ainé
des Ruggeri. Sous le Premier Empire et jusqu’en 1825, on y trouvait cafés et
fabriques dont un moulin à vent qui alimentait des cascades. Des montagnes
russes en étaient la principale attraction. Par la suite le domaine est loti
entre 1825 et 1846. |
Tous ces jardins donnent, avec les Champs-Elysées, les boulevards, les jardins des grands hôtels (Palais de l’Elysée, hôtels de Richelieu, d’Orléans…), ceux des couvents (Capucines, Bénédictines, Sainte-Perrine…), un caractère très « vert » à ces faubourgs et l’image – sans doute exagérée - d’une société hédoniste où la sociabilité et les loisirs, à l'image de l'aristocratie, sont importants.
Ce temps des folies, au sens de parcs d'attractions, ne dure qu’un peu plus d’un demi-siècle, de 1760 à 1820. Elles connaissent un apogée sous la Révolution et l'Empire, en contrepoint à la Terreur et aux guerres napoléoniennes. Dès le début de la Restauration, la mode et les mentalités changent, la sociabilité se recentre sur les boulevards et les passages couverts. Le modèle n'est plus le parc des châteaux de l'aristocratie mais les galeries du Palais Royal construites par Philippe d'Orléans au coeur de la ville de 1781 à 1787 (Les jardins et les galeries du Palais Royal, BnF Gallica). Sous l’effet de la pression immobilière, tous les grands parcs sont lotis. Seuls le parc Monceau subsiste en 1850.
(1) A une époque où les fous étaient internés à l’hôpital des Petites-Maisons, rue de Vaugirard.
Il est à noter que le terme de « folie » s’appliquait aussi aux fabriques des jardins anglo-chinois, très à la mode des années 1770 à la Révolution.