La Seine, les ponts et les ports de Paris

Les ponts

Jusqu’au milieu du IXe siècle, la Cité ne sera desservie que par les deux ponts romains, en bois puis, sans doute, avec des piles en pierre sur lesquelles repose un tablier en bois. 


   La traversée de la Seine des
   romains au IXe s.  ^

   Les ponts et les ports vers 
    l'an 1000   >

Ces deux ponts romains sont restaurés au IXe s. Pour contrer les invasions normandes, Charles le Chauve fait construire (en 861) un nouveau pont en aval, à vocation défensive semble-t-il, mais néanmoins situé dans l’axe de la rue Saint-Denis. Jusqu’à la disparition du rempart au début du XIIe s., moment où le pont est rebâti et devient le Grand-Pont, le chemin vient buter contre le rempart et rejoindre l’ancien cardo romain en longeant la berge (future rue de la Pelleterie). Sur la rive droite, il est protégé par le Grand Chatelet. Ce Grand-Pont est abattu par une inondation en 1280 et reconstruit en pierre et couvert de maisons. Emporté de nouveau par une crue en 1296, il est reconstruit de biais, légèrement en amont. 

Au XIVe s. il est habité par les changeurs d’où son nom de Pont-aux-Changeurs. A l’emplacement de l’ancien Grand-Pont, le Pont-aux-Meuniers n’est qu’une passerelle reliant les moulins situés sous les arches du Grand-Pont démoli. Suite à un incendie en 1621, un pont unique, le pont au Change, est reconstruit en pierre de 1639 à 1647 sur les dessins d’Androuet Du Cerceau. Ce pont, débarrassé de ses maisons en 1786, est reconstruit en 1858.  

Au sud, sur le petit bras de la Seine, le pont Saint-Michel est construit en pierre de 1379 à 1387 ; il assure la continuité de la circulation entre la rue Saint-Denis et la rue de la Harpe. Emporté par une crue en 1408, il est reconstruit en bois puis détruit à deux reprises, en 1547 et 1616, avant d’être refait en pierre. Ce dernier pont se maintiendra jusqu’en 1857.


    La traversée de la Seine  
    vers 1300 ^          

Illustration : le pont Saint-Michel. Jean Fouquet, Les heures d'Etienne Chevalier vers 1452-1460 cliquez ici.

Le pont Notre-Dame. L’ancien pont romain sur le Cardo, délabré depuis les invasions normandes, n’est plus au XIIIe qu’une passerelle en bois : les planches Milbrai (ou Mibray, en milieu du bras de la Seine). Cette passerelle, emportée en 1406, est remplacée par un pont en bois achevé en 1421 et couvert de maisons uniformes qui s’écroule en 1499. Il est reconstruit en pierre entre 1501 et 1512 et bordé de maisons homogènes en brique et pierre qui en font le plus beau pont d’Europe. Réparé à plusieurs reprises et débarrassé de ses maisons en 1787, il subsistera jusqu’en 1853.

 
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Le pont Notre-Dame
1576 gravure de Jacques
Androuet du Cerceau

Le Petit-Pont, d’origine romaine sinon gauloise comme le pont Notre-Dame, est le plus petit de Paris. Protégé, comme le Grand-Pont par un ouvrage fortifié, le Petit-Chatelet, il sera détruit, par inondation, débâcle des glaces ou incendies un nombre considérable de fois avant d’être reconstruit, suite à un incendie, en 1718, sans maisons. Comme les autres ponts desservant l’ile de la Cité, il sera refait par Haussmann en 1853.

  Les ponts et les ports en  1450 >


        
Au XVIIe, l'extension de la ville nécessite la construction de nouveaux ponts. Le Pont Neuf (1607) qui s'appuie sur la pointe aval de l'île de la Cité est l'occasion d'aménager la place Dauphine, le Pont Marie (1635) et le pont de la Tournelle (1656) ont été bâtis pour urbaniser l'île Saint-Louis (Cf. L'île Saint-Louis). Le Pont Royal (1689) a été construit pour relier le faubourg Saint-Germain à la rive droite. Le Pont de la Concorde (1788-1791), dernier pont construit sous l'Ancien Régime, oeuvre de Perronet, a été construit pour partie en utilisant les pierres récupérées de la Bastille.
      Illustration : Raguenet - Le Pont Neuf, la Samaritaine et la pointe de la Cité

Le pont Neuf, le pont Marie, le pont Royal et le pont de la Concorde (ce dernier élargi en 1930-1932) sont les seuls ponts d'origine qui subsistent.

Les ports

Jusqu’à l’arrivée du chemin de fer, les deux tiers environ de l’approvisionnement de Paris arrivent par la Seine. Le pilier des Nautes atteste de la puissance de la corporation des bateliers, de même que la présence d’un bateau sur les armes de la ville.

Les marchandises sont très diverses : bois de chauffage, bois de construction, pierres, briques et chaux, céréales, foin, charbon de bois mais aussi produits alimentaires, vin, épices et produits exotiques depuis Rouen. En amont et en aval de la ville des pataches perçoivent l'octroi.

Le plus ancien port qui dessert l’île de la Cité, est le port Saint-Landry. Il est très vite dépassé en importance par le port de Grève qui s’étend petit-à-petit vers l’amont jusqu’à la muraille de Philippe Auguste puis jusqu’à celle de Charles V. Equipé de pontons s’avançant dans le fleuve, il comporte toute une série d’espaces spécialisés (port au vin – essentiellement de Bourgogne et de Champagne -, au blé – de Brie et de Beauce -, au foin, aux poissons, au charbon de bois et de terre… Ce port de Grève est contrôlé par le prévôt des marchands. D’autres ports se créent, en aval : l’école Saint-Germain (de scala, degrés) qui dépend de Saint-Germain-l’Auxerrois ; sur la rive gauche : le port de Bièvre est sous la dépendance de l’abbaye de Sainte-Geneviève. L’Hôtel-Dieu possède un appontement par où arrivent ses approvisionnements, stockés sous les voûtes du quai et en sous-sol des bâtiments.

Les bateaux sur le port de grève. Plan de Gomboust 1652 >

 
 ^ Le port au blé au XVIIIe.  Louis Nicolas de Lespinasse Musée Carnavalet   
 
La place de Grève en 1746 par Raguenet ^  Musée Carnavalet   

L’île Notre-Dame sert de dépôt de bois de flottage pour le chauffage et la construction. A partir du XVIe s. ces entreposages de bois et de pierres de carrières s’étendent sur la rive droite entre le rempart (boulevard de la Bastille) et la Rapée et, rive gauche, entre la rue du Bac et les Invalides d’où ils sont progressivement chassés par la construction d’hôtels en bordure de Seine. Les chantiers de bois sur le plan de Roussel 1730. Dans l’île Maquerelle ou des Cygnes, on « déchire » les bateaux hors d’usage qui viennent de l'amont pour les transformer en bois de chauffage.

En 1762, un projet de gare d’eau, port semi-circulaire, est décidé rive gauche à côté de la Salpétrière. Les travaux de terrassement sont engagés en 1769, interrompus durant la Révolution, repris en 1827 puis abandonnés ; le nom de quai de la gare fait référence à cette gare d’eau et non à la proximité de la gare d’Austerlitz. 

Décidés en 1802 et mis en service en 1825, les canaux Saint-Martin, de Saint-Denis et de l'Ourcq permettent, outre d'approvisionner la ville en eau, d'éviter aux bateaux la traversée de Paris rendue difficile par les ponts encombrés de pompes et de moulins.

Les quais

Outre les activités portuaires et le halage des bateaux venant de Rouen, les bords de Seine accueillaient au Moyen-Age et jusqu'au XIXe s. bien d’autres activités, notamment moulins, tueries d’animaux à proximité de la grande boucherie, tanneries (reléguées au XVIIe en bordure de Bièvre), baignades puis, au XVIIe, des établissements de bains, en particulier en amont, quai Saint-Bernard, blanchisseries, pompes à eau, pêcheurs qui tirent des filet entre les piles des ponts. Des coches d'eau partant du port Saint-Paul et du quai saint-Bernard transportent des voyageurs vers Sens, Melun, Auxerre...

Le premier quai bâti en pierres est le quai des Grands Augustins au début du XIVe par le prévôt Etienne Barbette, il est suivi en 1369 du quai de la Mégisserie (refait en 1529 et élargi en 1769). François Ier fait aménager le quai du Louvre (1530). Le quai des Tuileries suit à la fin du siècle. En 1642 – 1643  est bâti le quai de Gesvres, aux frais du marquis de Gesvres, entre le pont Notre-Dame et le pont au Change. Ce quai était construit sur une galerie voutée ouverte par des arcades sur la Seine (1). Il est prolongé en 1675 entre le pont Notre-Dame et la place de Grève. Le quai de Conti est bâti lors de la construction du Collège des Quatre-Nations (1662).

Le quai Saint-Bernard. Israël Sylvestre http://israel.silvestre.fr >


Les quais longeant le port de Grève jusqu’au mail de l’Arsenal, ne sont que partiellement aménagés de façon à ménager les activités portuaires. (Illustration : le mail de l'Arsenal, le couvent des Célestins - Israël Silvestre XVIIe). Les quais construits en bordure du fleuve ménagent des abreuvoirs pour les chevaux.

Dans l’île de la Cité, la partie occidentale des quais est aménagée au XVIIe, avec la construction du Pont-Neuf et l’aménagement de la place Dauphine, alors que la partie orientale (quai aux fleurs, quai du marché neuf) ne sera aménagée qu’à partir du Premier Empire, de même, sur la rive gauche, que les quais de Montebello et Saint-Michel. Ils conservaient ainsi, à la fin de l’Ancien Régime, des maisons donnant directement sur le fleuve. Notre Dame et le quai de la Tournelle vers 1778, J. B. Lallemand, musée Carnavalet.


La Seine et le paysage parisien

Jusqu’à la fin du XVIe siècle, la Seine est peu visible et ne participe que faiblement au paysage parisien. Les ponts sont bâtis, dans la partie centrale de la ville les immeubles sont construits directement sur la rive ; on traverse Paris du nord au sud sans voir le fleuve. Les quais, particulièrement en amont de la Cité, ne sont pas aménagés et sont encombrés par les activités portuaires.

Petit-à-petit, durant près de trois siècles – jusqu’à Haussmann (2), les rives de la Seine vont connaître une mise en valeur à la fois pour la commodité et pour l’esthétique qui feront du fleuve un espace majeur de la ville. Fin XVIIIe, seule la partie en aval de la Cité sera réellement aménagée, la partie amont restant occupée par les activités portuaires, notamment pour les pondéreux.

François Ier fait construire le quai devant le Louvre, mais c’est Henri IV qui, avec le Pont Neuf, premier pont non bâti, l’aménagement de la pointe ouest de la Cité (place Dauphine) et la galerie du Louvre ainsi que, en amont, le mail de l’Arsenal (1604) première promenade plantée, impose une nouvelle approche de l’espace fluvial. Cf. l’urbanisme d’Henri IV.


                                           La Seine vers 1620  >

 

Marie de Médicis complète l’œuvre du roi défunt en créant, en 1616, le Cours la Reine, promenade plantée de quatre rangées d’ormes avec, en son milieu, un rond-point permettant aux carrosses de tourner.

Par la suite, quatre interventions majeures, en correspondance avec la Seine, vont fortement marquer le paysage de l’ouest de la ville :

  • Les Champs-Elysées, percés par Le Nôtre en 1670 sur l’ordre de Colbert, complétés par la suite par l’allée des Veuves (avenue Montaigne) et l’allée du Cours (avenue Franklin Roosevelt).
  • Les Invalides, 1671 -1706.
  • L’Ecole Militaire et l’aménagement du Champ de Mars, 1751 – 1780.
  • La place Louis XV (place de la Concorde), 1753 – 1772 et le pont Louis XVI (de la Concorde), 1791.
Toutefois, faute d'aménagement des quais, la relation avec le fleuve de l'esplanade des Invalides et du Champ de Mars reste largement virtuelle.
                         











                                 La Seine en 1790 > 
 

La fin du XVIIIe s. voit la suppression des immeubles sur les ponts ainsi que de nombreux projets d’aménagement des quais, notamment de l’architecte de la ville, Pierre-Louis Moreau.

Hubert Robert, démolition des maisons du pont Notre-Dame 1786, musée Carnavalet.

Stanislas Lépine, le pont Marie, 1868, musée d'Orsay. Le quai n'est pas encore construit.


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Aujourd'hui Paris compte 34 ponts sur la Seine et 4 passerelles piétonnes. Le pont Charles-de-Gaulle (1996) et les passerelles Léopold-Sedar-Senghor (1999) et Simone-de-Beauvoir (2006) sont les derniers ouvrages construits. 

 

La Seine espace majeur de Paris


(1)   La ligne 7 du métro entre les stations Chätelet et Pont-Marie utilise en partie cette galerie.

(2) Et bien au-delà, suite aux Expositions universelles, de la tour Eiffel au Palais de Chaillot, et des projets de F. Mitterrand (Ministère de Finances, Bibliothèque nationale de France).


Liens 


Sources