Une ville nouvelle


La présence d’un oppidum gaulois dans l’île de la Cité, la Lutèce citée par César, est probable mais non certaine et est parfois discutée en l’absence de découvertes archéologiques. Il paraît toutefois certain que l’île et deux monceaux relativement insubmersibles (au sud de la Seine à l’emplacement de Saint-Séverin, au nord de Saint-Jacques-de-la-Boucherie) aient servi d’appuis pour traverser le fleuve, peut-être par un pont en bois, selon l’axe rue Saint-Jacques – rue Saint Martin avant la conquête romaine. De même, devaient exister à l'époque gauloise une voie est-ouest (rue Saint-Honoré-rue Saint-Antoine), parallèle à la Seine, une voie d’évitement de la zone marécageuse (rues Saint-Maur et de Picpus), et, au sud de la Seine, outre la voie d’Orléans, deux chemins, vers Melun et Lyon et vers Chartres.

  

La ville romaine va se développer au début du Ier siècle après J.-C. rive gauche, sur les pentes de la montagne Sainte-Geneviève, selon un plan quadrillé, dont l’axe, le cardo maximus, est l'ancien chemin gaulois sans doute rectifié (la rue Saint-Jacques). Ce plan parfaitement régulier, typique des villes neuves coloniales, est organisé selon un module carré de 300 pieds romains (88,8 m) qui présente toutefois quelques irrégularités dues aux voies préexistantes et à une transversale partant du forum vers la route de Lyon (rue Lhomond) (1).

Au centre de la ville, le forum (rue Soufflot) réunit les fonctions civiles (basilique), religieuses (temple) et commerciales (boutiques). Un théâtre, un amphithéâtre (les arènes de Lutèce) et trois établissements thermaux alimentés par un aqueduc long de 16 km environ amenant l’eau depuis Wissous et Rungis constituent les équipements publics de la ville.    

la Lutèce gallo-romaine présente ainsi un double aspect, dense et fermé dans l'île, monumental et ouvert sur la rive gauche.

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La ville à l’apogée de la paix romaine, soit au début du IIIe siècle après J.C., s’étendait sur 80 à 100 ha : 8 dans l’île de la Cité, 65 à 85 sur la rive gauche et un petit faubourg rive droite. Elle pouvait avoir environ 8 000 habitants (2), nettement moins que les plus grandes villes de Gaule, Trèves, Reims, Lyon, Nîmes, Narbonne, Toulouse, Bordeaux...

Le forum, aquarelle de J. C. Golvin >

 

A partir du milieu du IIIe s., l’insécurité due aux incursions des Alamans et des Francs et aux luttes de pouvoir à la tête de l’Empire entraîne un repli sur l’île de la Cité qui est fortifiée au début du IVe s. La rive gauche semble peu à peu abandonnée ; les bâtiments publics servent de carrières. Toutefois, elle n'est pas totalement désertée ; le forum est fortifié et le réseau des rues doit se maintenir en desservant un tissu urbain lâche et peu dense.
Conformément à l'usage romain, les nécropoles se situaient à l'extérieur de la ville, à bonne distance de l'agglomération : au sud, le long de la route d'Orléans et, à l'ouest, le long de la route de Chartres. Au IIIe et IVe siècles, une vaste nécropole se situe sur la route de Lyon, dans une boucle de la Bièvre.


Outre les thermes de Cluny et les arènes, l’héritage romain est encore très perceptible dans le tracé des rues et dans le parcellaire médiéval du quartier latin tel qu’il apparaît sur le plan de l'abbé Delagrive au milieu du XVIIIe s. 

Les travaux du XIXe ont repris les tracés antiques : le boulevard Saint-Michel reprend le tracé d’un cardo, le boulevard Saint-Germain et la rue des Ecoles ceux de deux decumanus ; la rue Soufflot, à l’emplacement du forum, a effacé l’emprise oblique de l’enceinte de Philippe Auguste (3).

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(1) Au nord de la Seine, l'écart entre la rue Saint-Martin et la rue Saint-Denis est également sensiblement de 300 pieds romains.
(2) De 54 à 115 hectares et de 6 000 à 20 000 habitants selon les auteurs. Une densité de 110 à 130 habitants à l'hectare semble admissible ce qui donne entre 6 000 et 12 000 habitants selon la surface d'emprise retenue.
(3) Il semble que les murs nord et est de l'église des Jacobins de la rue Saint-Jacques ont été construits sur des infrastructures du forum romain.

Lien

Les grands monuments de Lutèce, crypte archéologique de Notre-Dame

Sources

Busson (Didier), Paris ville antique, Editions du patrimoine, Paris 2001.