Le Marais aux XVIe et XVIIe siècles


Au début du XVIe siècle, le Marais apparaît, à l’intérieur de l’enceinte de Charles V, comme un vaste espace encore en cultures entre la rue Saint-Antoine et la rue du Temple, réserve foncière qui se construira dans la première moitié du XVIIe, deviendra le quartier à la mode et fera la fortune de quelques promoteurs.   

La croissance démographique qui suit la fin de la Guerre de Cent ans entraîne dans un premier temps la reconstruction et l'agrandissement des églises paroissiales (Saint-Gervais, Saint-Merry, Saint-Nicolas-des-Champs) en style gothique flamboyant, signe d’une densification des quartiers existants.

En 1543, François Ier ordonne de lotir l’ancien hôtel Saint-Pol. Sont alors percées les rues Charles V et des Lions, puis la rue Beautreillis (des treilles du jardin de l’hôtel). A la même époque, les religieux de Sainte-Catherine lotissent leur couture (rues Payenne, de Sévigné et du parc-Royal) où un président du Parlement, Jacques de Ligneris, fait construire l’hôtel Carnavalet, et les héritières de Diane de Poitiers, l’hôtel Barbette (rue Barbette, 1561).

Les grandes familles font construire leurs hôtels dans le quartier (Montmorency, Guise, Lorraine, Angoulême). La couverture de l’égout des Tournelles en 1560 (rue de Turenne) contribue au succès de l'urbanisation du quartier.

  Le Marais en 1600 cliquez sur la carte  

L’arsenal est installé sous François 1er sur une vaste emprise entre les Célestins et le rempart. Le Petit-Arsenal, au sud de la Bastille, servait à la fabrication de la poudre avant son transfert sous Louis XIII à la Salpêtrière ; le Grand Arsenal est reconstruit par Henri IV qui fait transformer le quai en une belle promenade : le Mail. I. Silvestre : L'arsenal et le mail, cliquez ici.


Henri IV et Louis XIII

Au début du XVIIe siècle, Henri IV et Sully qui loge et travaille à l'Arsenal avant d'acheter un hôtel rue Saint-Antoine, s'intéressent au quartier et souhaitent maîtriser les projets de lotissements sur les terrains de l'ancien hôtel des Tournelles et, plus au nord, sur la couture du Temple dont le Grand Prieur veut tirer parti.

La place Royale, la place de France : voir l'urbanisme d'Henri IV

L'abandon du projet de place de France ne ralentit pas l'urbanisation du quartier qui se réalise selon un quadrillage plus banal dont le financier Charlot est le maître d’ouvrage. De nombreux hôtels se construisent rue des Archives, rue Charlot et rue Vieille du Temple, de taille moyenne ou modeste, destinés non plus à la haute aristocratie mais à la noblesse de robe, aux financiers et aux entrepreneurs enrichis par la spéculation (1), le marché des enfants rouges dessert ce quartier neuf. La noblesse reste plus près de la place Royale : hôtels de Mayenne, d’Angoulême (hôtel de Lamoignon), de Châlons-Luxembourg, d’Aumont, de Rohan (place Royale)…

1543 Lotissement de l’hôtel Saint-Pol

1545 Lotissement de la couture Saint-Catherine

1563 Lotissement de l’hôtel Barbette

1564 – 1604 Lotissement du palais des Tournelles

1572 Lotissement du parc du Cardinal Bertrand

1606 – 1626 Lotissement de la Couture du Temple

1620 et 1634 Lotissement de la Couture Saint-Gervais

1683 Lotissement du fief des Fusées



 Les Lotissements du XVIe et XVIIe siècle dans le Marais > 
 


  ^ Le Marais en 1650 

Le Marais n’échappe pas à l’implantation de fondations religieuses (voir Les fondations religieuses au XVIIe). La fondation des Jésuites en est la plus importante. Expulsés par Henri IV en 1595, ils sont rappelés en 1604 et engagent aussitôt la construction de leur maison professe rue Saint-Antoine. L’église dédiée à Saint Louis (nous sommes sous Louis XIII), inspirée des églises romaines de l’époque, se veut un manifeste de la Contre-Réforme ; elle est construite par le père Martellange de 1634 à 1641 et est en partie financée par Richelieu. Les bâtiments monastiques sont maintenant occupés par le lycée Charlemagne. 


Egalement rue Saint-Antoine s’implantent les Visitandines, ordre contemplatif fondé par sainte Jeanne de Chantal, dont le couvent est construit par François Mansart. Les Minimes, issus d’une réforme des Franciscains, ont leur couvent, dont l’église construite également par Mansart ne sera jamais terminée, au nord de la place Royale.

On trouve aussi dans le quartier les Capucins (rue Charlot), les filles de Sainte-Elisabeth, les religieux de la Merci, les Carmélites, les Madelonnettes, les Filles du Calvaire, les Annonciades Célestes ou Filles Bleues, les Filles de la Croix…  






La Visitation Sainte-Marie et la rue Sainte-Antoine au XVIIe (I. Silvestre) >



Louis XIV

Quartier à la mode, quartier de Madame de Sévigné et de Ninon de Lenclos, c'est au théâtre du Marais, ancien jeu de paume rue Vieille du Temple, qu'est créé le Cid en 1637 et toutes les grandes tragédies de Corneille.

 

Le quartier est alors habité majoritairement par des financiers ; on y trouve quelques ministres de Louis XIV Le Tellier et Louvois (avant qu’il ne se fasse construire un hôtel rue de Richelieu), Boucherat, Chamillart, mais déjà l’attrait du faubourg Saint-Germain et de ses vastes espaces propices à la construction de grands hôtels se fait sentir.

Quelques-uns des plus beaux hôtels datent de cette époque : hôtels de Saint-Aignan (1650), de Beauvais (1657), Aubert de Fontenay (1660, hôtel Salé (1), du Grand Prieur du Temple (1667) - illustration cliquez ici -, Le Peletier de Souzy (1686), du Grand Veneur

L’ensemble le plus imposant date des premières années du XVIIIe : l’hôtel de Soubise et celui de Rohan-Strasbourg construits par Delamair sur les terrains de l’hôtel de Guise.

< Le Marais en 1700

L’aménagement entre 1660 et 1670 de l’emprise de l’enceinte de Charles V en boulevard planté va désenclaver quelque peu le quartier ; la porte Saint-Antoine est bâtie par Blondel en 1671.


Voir le Marais du XVIIIe au XXe siècle


(1)  J. P. Babelon, Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII.