L'urbanisme d'Henri IV


Dans un royaume pacifié, Henri IV s’intéresse à l’aménagement de Paris au moment où, après les guerres de Religion et le siège de Paris et ses destructions (1589-1594), la nécessité de construire s’impose. C’est aussi le premier roi qui fixera sa résidence ordinaire à Paris – au Louvre - où il engagera des travaux importants.


Trois projets remarquables :

La place Dauphine, la rue Dauphine

La construction du Pont Neuf engagée en 1578, interrompue entre 1588 et 1598, terminée en 1606, avait nécessité le remblaiement de la pointe aval de la Cité. En 1607, Henri IV céda au premier président du Parlement, Achille de Harlay, les terrains en vue d’y construire des maisons autour d’une place triangulaire moyennant un loyer annuel d’un sous par toise (la décision royale indique 3260 toises ½) et selon les plans fournis par le duc de Sully, grand voyer de France. Le modèle imposé portait sur des maisons traditionnelles parisiennes en brique et pierre avec boutiques à rez-de-chaussée.

Malgré les difficultés liées aux importantes opérations de terrassement nécessaires les travaux furent menés très rapidement et achevés en 1612-1613. L’ordonnance de la place fut rapidement brisée par les propriétaires successifs qui n’étaient pas liés par les mêmes contraintes qu’à la place Royale. La rue Dauphine fut percée en 1607-1608, à travers l’ancien collège des abbés de Saint-Denis et le jardin des Grands-Augustins pour établir une liaison directe avec le bourg Saint-Germain. Dans un premier temps, elle butait sur le mur de Philippe Auguste et rejoignait la porte de Buci en faisant un coude (la rue Mazet actuelle). Marie de Médicis fit élever la statue équestre d’Henri IV à la pointe de l’île en 1614.

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 La place Dauphine  gravure de Claude      <  Chastillon   Carnavalet


En 1639, une liaison directe fut percée dans le mur d'enceinte. La réalisation de la rue Dauphine entraîna celle des rue Christine et de Nesle. Au regret du roi, tous les lots seront vendus et bâtis avant qu'il ait pu imposer une quelconque unité architecturale


La place Royale (1)

Après la mort d’Henri II en 1559, le palais des Tournelles avait été abandonné, démoli petit à petit et occupé provisoirement dans sa partie nord par un marché aux chevaux alors qu’au sud devait s’établir une manufacture de soie. En 1605, Henri IV décide d’y construire une place carrée, bordée de maisons uniformes sur trois côtés, le nord devant accueillir la manufacture. Située à l’écart de la circulation avec des accès limités c’est une place purement résidentielle d’autant que, en 1608 devant le peu de succès de la manufacture, le côté nord est construit à l’identique des trois autres. Les rues du Foin, des Minimes et Saint-Gilles complètent le lotissement.  

La place fut habitée par de grands personnages de la noblesse et devint vite l’endroit à la mode. Sa construction fut déterminante dans la vocation du Marais à accueillir les hôtels aristocratiques. En 1639, une statue équestre de Louis XIII est élevée au centre de la place. Des servitudes strictes imposées dès l’origine ont permis de maintenir son unité architecturale.


 
^ La place Royale, le carrousel de 1612
gravure de C. Chastillon, Musée Carnavalet

 
La place de France, gravure de Claude Chastillon ^
 Musée Carnavalet 


 

La place de France

Le troisième projet fut interrompu par la mort du roi et ne nous est connu que par une gravure d’époque et par le nom des rues ouvertes à partir de 1610 dans la couture du Temple (2). Le plan ci-contre montre une tentative de reconstitution de cette place et de l’urbanisation du nord-est du Marais à partir de la gravure de Claude Chastillon.  

Il s’agissait d’une place semi-circulaire, adossée au rempart où une porte monumentale était ouverte, de laquelle rayonnaient huit voies baptisées du nom des provinces du royaume. Destinée à recevoir des administrations royales, la place étaient bordée de pavillons uniformes sur arcades avec des lanternons et des échauguettes. Les terrains furent cédés à rentes au fermier général Charlot qui les lotit entre 1610 et 1626. La rue Debelleyme suit quelque peu la forme générée par cette place de France.

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Voir Le Marais XVIe et XVIIe siècles.


Ces trois projets, dont deux seulement furent réalisés, indiquent une réflexion d’urbanisme approfondie. Ils différent dans leurs formes (triangle, carré, demi-cercle) et leur insertion urbaine ; alors que les places Royale et Dauphine sont isolées de la circulation, la place de France est un carrefour ; leurs fonctions (artisanale et commerçante, résidentielle, administrative) et leur architecture : la place Dauphine reprend la typologie traditionnelle des maisons parisiennes, à la place Royale les toits individualisent chaque hôtel, alors que la place de France semble inspirée de l’architecture civile flamande.

Le projet de lotir l'île Saint-Louis date également du règne d'Henri IV mais ne sera mis en oeuvre que sous Louis XIII. Cf. L'île Saint-Louis.

Henri IV est par ailleurs le commanditaire de travaux importants au Louvre, notamment de la grande galerie reliant le Louvre au palais des Tuileries. Grand dessein d'Henri IV, vers 1600-1615, Louis Poisson, Ministère de la Culture.

Cette grande façade sur la Seine forme, avec le Pont Neuf - premier pont sans maisons -, la statue du Roi et la place Dauphine un ensemble urbain remarquable (3) qui réconcilie Paris avec son fleuve ; le bassin du Louvre deviendra dès lors le lieu de fêtes nautiques, feux d'artifices...


Le Pont Neuf vers 1663. Musée Carnavalet >




(1) Place de Vosges

(2) Rues de Normandie, de Bretagne, de Saintonge, de Beauce, de Picardie. 

(3) Complété cinquante ans plus tard par le Collège des Quatre-Nations (aujourd’hui l’Institut).


Voir aussi


Liens

Sur Henri IV un très beau site : http://www.henri-iv.culture.fr


Sources

Babelon (J.-P.), Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris 1965 (rééd. 1991).

Lavedan (Pierre), Huguenay (Jeanne) et Henriat (Philippe), L'urbanisme à l'époque moderne. Paris, Arts et Métiers graphiques, 1982.