Le faubourg Saint-Antoine
En dehors des murs de Paris vers l’est, de part et d’autre de la voie antique de Meaux, s’étendait au Moyen Age un terroir faiblement peuplé dans la dépendance de l’abbaye de Saint-Eloi et de la paroisse Saint-Paul. La première mention d’une implantation dans ce terroir est celle d’une résidence royale mérovingienne à Reuilly, plus tard propriété des Templiers puis des Hospitaliers.
^ le faubourg Saint-Antoine en 1600 | L’abbaye de
Saint-Antoine-des-Champs
est fondée par le curé de Neuilly-sur-Marne, Foulques, en 1198 pour accueillir
des prostituées repenties. Rattachée en 1204 à l’ordre de Cîteaux et protégée
par Saint-Louis, elle devient une abbaye importante, au centre d’un vaste
domaine, et génère la création d’un hameau desservi par une chapelle dédiée à
Saint-Pierre. |
A la fin XVIe siècle les Pénitents réformés du Tiers Ordre de Saint François installent leur couvent à Picpus. Durant tout le XVIIe s. les fondations religieuses, toutes féminines, vont se multiplier :
1636 : Hospitalières augustines de la Roquette (sur le terrain du Bel-Esbat ci-dessus).
1641 : Filles de la Croix, rue de Charonne.
1642 : Chanoinesses régulières augustines de Notre-Dame-de-la-Victoire, rue de Picpus.
1648 : Bénédictines de Notre-Dame-du-Bon-Secours (rue de Charonne).
1652 : Religieuses de la Madeleine de Traisnel (rue de Charonne).
1652 : Annonciades de Popincourt (rue de Popincourt).
1658 : Franciscaines anglaises (rue de Charenton), fermé en 1790, vendu en 1800.
1669 : Filles de la Charité à l’hôpital des Enfants-Trouvés.
1679 : Filles de Sainte-Marguerite ( rue Saint-Bernard).
1713 : Filles de Sainte-Marthe (rue des Boulets).
1713 : Dames de la Trinité ou Mathurines (rue Erard), couvent fermé en 1790.
Cf. Les fondations religieuses au XVIIe s.
^ le faubourg Saint-Antoine en 1700 | ^ le faubourg Saint-Antoine en 1790 |
Plan Delagrive 1740 > |
Tout au long du XVIIIe siècle se construiront des hôtels de campagne : folie Titon (1690), folie Genlis, hôtels de Gournay, de Mortagne, de Montalembert… Cf. Les folies au XVIIIe s.
Ainsi, à la veille de la Révolution, le faubourg présente, en dehors du noyau artisanal dense du début des rues du faubourg Saint-Antoine, de la Roquette, de Charonne et de Charenton, le caractère d’un quartier aéré, mélange de terrains maraîchers et de jardins d’agrément de couvents ou de « folies ». Le quartier se densifiant, l’église paroissiale Sainte Marguerite est construite au XVIIe s puis, fin XVIIIe, le marché d’Aligre, sur des terrains de l’abbaye Saint-Antoine au centre d’un lotissement.
La plupart des couvents mentionnés ci-dessus sont fermés à la Révolution. Notre-Dame-du-Bon-Secours (rue de Charonne) est occupé en 1802 par la première filature de coton installée en France par Richard et Lenoir ; elle prospère sous l’Empire avant d’être ruinée par la concurrence anglaise sous la Restauration. Sous Louis-Philippe, les prisons de la Petite et de la Grande Roquette sont construites sur le terrain des Hospitalières de la Roquette.
A l’entrée du faubourg s’est développé depuis le Moyen Age et surtout à partir du XVIIe des activités d’artisanat favorisées par l’ordonnance de Louis XI en 1471, renouvelée en 1657, qui affranchissait les artisans travaillant sur le domaine de l’abbaye de Saint-Antoine des contraintes corporatives parisiennes et par la proximité de la Seine qui permettait l’arrivée du bois de flottage stocké sur les ports de la Rapée et à l’île Louviers.
Dès la Renaissance, le faubourg est réputé pour son esprit d’innovation dans la fabrication de meubles. Le XVIIe et le XVIIIe voient l’apogée des activités et de la réputation du faubourg, marquée par l’installation d’ébénistes venus des Pays-Bas et d’Allemagne : Oeben, Riesener, Carlin… D’innombrables ateliers de menuisiers, ébénistes, ciseleurs, tapissiers, décorateurs se créent entre la Bastille et la place du Trône développant un mode de construction particulier : immeubles d’habitation sur rue, cours et passages profonds bordés d’ateliers souvent en bois. Ces cours et passages ainsi que les bâtiments les plus caractéristiques du quartier sont maintenant protégés par le PLU (Plan Local d’urbanisme) de Paris cf détail de ces espaces – plan APUR.
Dès le XVIIe s. le faubourg devient un quartier ouvrier dense et remuant. Plus de 200 ateliers sont alors répertoriés et la manufacture de glaces emploie jusqu’à 400 ouvriers, Le saccage de la manufacture de papiers peints de Réveillon, installée sur une partie de la folie Titon, le 27 avril 1789, quelques jours avant l’ouverture des Etats Généraux, fut un prélude à la Révolution. Les ouvriers du faubourg furent de toutes les journées révolutionnaires du XIXe jusqu’à la Commune de 1871.
Sous le Premier Empire, les industries textiles se développent dans le faubourg. Outre la filature de coton de Richard et Lenoir, rue de Charonne, d’autres filatures s’installent dans les bâtiments des Hospitalières de la Roquette et des Annonciades, rue Popincourt.
^ le faubourg Saint-Antoine en 1850 | ^ le faubourg Saint-Antoine en 1900 |
L’ouverture du canal Saint-Martin en 1825 va attirer la construction d’entrepôts sur ses rives puis l’implantation d’usines (fonderies, métallurgie, mécanique, chimie) qui seront peu touchées par la couverture du canal par Haussmann. Autour de la rue du faubourg Saint-Antoine, entre les rues de La Roquette et de Charenton, le quartier se densifie et accueille une multitude de petits ateliers dont la dominante reste l’industrie de bois. Quartier d’accueil, le faubourg voit arriver de nombreux immigrants : des provinciaux, mais aussi des Juifs d'Europe centrale et orientale et des Italiens.
Dans ce tissu urbain populaire et agité, difficile à maîtriser en cas d'insurrection, Haussmann trace des percées : la place du Château d'Eau (actuelle place de la République), le boulevard du Prince-Eugène (actuel boulevard Voltaire), l'avenue Parmentier, le boulevard Richard-Lenoir qui recouvre le canal Saint-Martin et l'avenue Ledru-Rollin. Néanmoins le cœur du quartier est préservé et le faubourg Saint-Antoine sera l’un des quartiers les plus engagés dans la commune de 1871.
Voir aussi
Liens externes
Site sur les cours et passages du faubourg Saint-Antoine
Sources
Le Roux (Thomas), Les Paris de l’industrie, Créaphiséditions, 2013.
Gribaudi (Maurizio), Paris ville ouvrière, La Découverte, 2014.